Cette page reste à compléter avec les dossiers des spectacles suivants :

"Les guyltys" 2017 (spectacle musical et fantaisiste),  "Niouky et le marchand de nuage" 2007 (théâtre et poésie), "Pin pee obi" 2003 (conte et musique), "On dit" 2000 (sketchs - one man show), "Plume" 1997 (théâtre et mime), "Canku et la plume magique" 2003 (théâtre jeune public)   

 

 

La poétique du service

michel

                          Création théâtrale

       Accompagnée de textes de Charles Baudelaire    

                        Jeu, écriture, mise en scène

                                 Thierry Duculty

                     Création lumière, scénographie

                                 Thierry Jacquelin

 


Verso

                      

                                       Synopsis 

  

                 Michel, chef de rang en restauration, entre humour et spleen,                               gravité et exaltation, nous parle de son métier, sa grande                                         passion. Mis à mal par le départ de sa compagne, il tente de se                               raccrocher à son idéal de vie et son rêve - l'ouverture d'un                                       restaurant. Loin de se douter de ce qui l'attend encore dans  son                           cheminement, sa parole emprunte parfois aux mots de Charles                             Baudelaire pour exprimer ce qu'il ressent.

         

 

 

 

 

   

 

  

 

  

Note d'intention

 

La poétique du service est une création théâtrale conçue en partie égale, avec des textes de Charles Baudelaire.

Il s'agit avant tout du parcours initiatique d'un héros ordinaire, Michel, chef de rang en restauration.

Le spectacle est construit sur la crise que traverse le personnage et son obligation d'évolution. Sa parole emprunte quelquefois aux mots de Charles Baudelaire pour exprimer ce qu'il ressent.

Il y a de l’innocence et de la gravité chez Michel : celle d'un homme en perte de repères. Son idéal de vie et son rêve (l'ouverture d'un restaurant), sont subitement mis à mal par le départ de sa compagne. Il n'est pas simple pour lui d'accepter le changement.

Il devra pour avancer, rompre avec certaines illusions, écouter et voir différemment le monde qui l'entoure.

Orienter un chef de rang en restauration vers la poésie de Baudelaire est un choix assumé et réfléchi. J'ai moi-même connu plus jeune, avant ma formation théâtrale, l'univers de la restauration.

Mon penchant pour les univers décalés, mon travail depuis de nombreuses années sur l'univers clownesque, m'ont permis de trouver avec Michel le serveur, une passerelle et un lien entre deux mondes : la restauration et la poésie baudelairienne.

J'ai voulu, accidentellement, inconsciemment parfois, le parcours de Michel, son évolution, comme l'émanation de la poésie de Charles Baudelaire. Il y a chez le poète, des faits précis au départ, des données d'une situation quelquefois médiocre ou peu flatteuse, pour une lente transformation ensuite.

Au final, Baudelaire opère une véritable " transmutation alchimique " en changeant le sordide en divin, il écrit lui-même à la fin des fleurs du mal, avoir agi en parfait chimiste : 

 

                                      " Car j'ai de chaque chose extrait la quintessence;

   Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or ".

J'aime également l'idée qu'un serveur e restauration, sans formation ni connaissance particulière autres que celles qui sont nécessaires à l'exercice de sa profession, puisse s'exprimer avec des textes aussi intenses et intemporels que ceux de Charles Baudelaire, qu'il puisse, dans sa quête de changement et d'idéal, aborder des questions existentielles profondes.

 

 

 

Le personnage

 Michel, chef de rang en restauration, est un personnage insolite, quelque peu fantasque, dévoué corps et âme à son métier de serveur qu’il considère comme une mission terrestre.

Ce travail pourtant l’oppresse et l’emprisonne mais lui permet aussi de donner un sens à sa vie.
Le service exige l’observation des clients ne serait-ce que pour s’assurer du bon déroulement du repas. Mais pour Michel cette observation va plus loin, elle est aussi source de projection et d’imagination, elle participe à la recherche d’un idéal.
Comme le poète Baudelaire, Michel est attaché à la « fosse de l’idéal ».

 

 

 

Origine du spectacle

Alors que jeune comédien à Paris, j'arrondissais les fins de mois en effectuant des extras en hôtellerie, je pensais déjà à créer un spectacle autour d’un serveur fantaisiste. Plus tard le personnage de Michel est né au Centre National des Arts du cirque où j’approfondissais ma connaissance du clown.

Durant cette période, une rencontre marquante est intervenue dans ma vie et m’a ouvert entre autres à la relecture des textes de Baudelaire.
Très vite j’ai souhaité porter sur scène des écrits du poète mais je devais auparavant trouver la juste proximité avec ses mots, étudier plus en avant son oeuvre, son siècle, sa quête de la perfection et de la modernité poétique.
C'est presque par hasard que Michel le chef de rang, est arrivé dans le travail de répétition et s'est finalement imposé comme un lien fort.
Michel, personnage clownesque à l'origine, m'a insufflé la respiration dont j'avais besoin.
La rencontre de ces deux univers a crée un décalage inattendu, et m'a permis de prendre une distance avec la poésie de Baudelaire.

 

 

 

Réalisation
 Le spectacle réunit des textes de création et des poésies de Charles Baudelaire qui s’entrecroisent et se mêlent au présent du personnage.
Spontanément intégrée au jeu, à l'action, la poésie prend vie et fait écho aux différents états et situations que traverse Michel, aux aléas liés à sa profession, à ses joies, à ses peines, à ses projets .
Il ne s’agit pas simplement de poésies mises en scène : l’univers de Baudelaire et de Michel se rencontre vraiment. Ils interagissent, se confondent, avec pour toile de fond la recherche d’une vie rêvée.
Sur scène, le quotidien du serveur et son lot de situations tragi-comiques prennent vie et s'entremêlent avec les observations plus profondes et intérieures du personnage. Les textes de Baudelaire jalonnent sa réflexion, guident sa pensée et se mêlent à ses propres mots.
Mon objectif au-delà du partage des textes de Baudelaire, est de faire coexister deux univers en apparence éloignés et de toucher une dimension poétique profondément humaine.
Les morceaux choisis du poète sont extraits des recueils « Le spleen de Paris » et « Les Fleurs du mal ». En vers ou en prose, ils déploient des thèmes chers à l’auteur : la contradiction des aspirations humaines, le bonheur et l’idéal inaccessible, le lien ténu entre monstruosité et beauté, les paradis perdus (surtout celui de l’enfance)…
Michel personnage central, évolue entre fiction et réalité, la salle du restaurant, les clients... entre spleen et légèreté.
La mise en scène permet successivement un jeu de proximité et d’éloignement avec aussi une adresse directe au public.
La scénographie aiguille le spectateur vers des lieux précis, des sensations, des émotions. Nous sommes successivement dans la salle du restaurant durant un service, le public devient client, puis dans des espaces plus intimes reflétant le questionnement, l'évolution du personnage.
La dynamique scénique et le rythme du spectacle évoluent en suivant la progression psychologique du personnage.
L’espace scénique est dépouillé, une table et une chaise symbolisent le restaurant.

 

 

 

Pourquoi la restauration et Baudelaire ?

 Pour moi c’est l’idée de nourriture et d’oralité (les mots se dégustent, se mâchent…) et de toutes ses « matières organiques » qui prédominent souvent dans les écrits de Baudelaire.
Fruit d’un laborieux travail sur la langue, les mots, les images, c’est aussi en savant cuisinier, fin connaisseur des substances et des arômes de la vie, que le poète nous livre ses écrits.
Baudelaire attise nos sens, il sublime la sensibilité et parle même de « surnaturalisme », il cherche à atteindre la vérité essentielle ; c’est par l’expérience sensorielle que le poète – comme le cuisinier- se projette dans l’espace et le temps.
Ainsi, pourquoi donc ne pas utiliser la contradiction et les oxymores, si présents dans l’oeuvre de Baudelaire, pour mêler l’univers du restaurant à celui de la poésie, la légèreté au spleen baudelairien ?

 

 
 
De l'humour avec l’univers du poète ?
 
Si l’écriture de Baudelaire n’invite pas particulièrement au rire, l’humour et le décalage sont pourtant bien présents dans son oeuvre. Des textes comme « Le miroir », « La soupe et les nuages », « Assommons les pauvres », « Perte d’auréole », sont de petites tragicomédies.
L’auteur Alain Vaillant dans son livre « Baudelaire poète comique », emploie le terme de « philosophie du rire  1 » pour qualifier l’oeuvre du poète.
Mon parcours professionnel est depuis longtemps nourri du clown, et je n’ai pu m’empêcher de trouver des points communs entre certains textes du poète et l’univers clownesque.
Baudelaire utilise la contradiction et les oxymores, la légèreté et la profondeur qui sont également des traits essentiels de l'Auguste.
Toute la fragilité et la force du personnage comique s’expriment dans ce qui s’oppose, pour le clown : une existence de misère et l’aspiration à quelque chose de plus grand.
On retrouve aussi cela chez Baudelaire, notamment dans "Spleen et idéal" (Les Fleurs du mal).
En perpétuel inadapté, le comique comme le poète, avec douceur ou grand fracas, sème sur ce qui l’entoure sa propre vision du monde.
Il m'a semblé qu'un personnage poétique et léger, en décalage avec son propre environnement, pouvait refléter l’ironie et l’humour peu connu dans l’oeuvre du poète, il apporte une contradiction intéressante sur la représentation que l’on a de l’univers Baudelairien.
  
  

 

La force des images

 

Baudelaire déclare que sa première passion est de « glorifier le culte des images - ma grande, mon unique, ma primitive passion- 2 ». Il développe une pensée poétique où le langage s’appuie sur la force des images et où l’image est déjà langage : « Tout l'univers visible n'est qu'un magasin d'images et de signes auxquels l'imagination donnera une place et une valeur relative; c'est une espèce de pâture que l'imagination doit diriger et transformer » (Salon de 1859). 

Pour Baudelaire,  « l’imagination est reine des facultés et reine du vrai ».               

Enfant, Charles Baudelaire voulait être comédien : trouve-t-on ainsi l’explication à la force suggestive de ses images ?
Voilà donc ce tout ce qui m'inspire dans l'écriture de Charles Baudelaire et que je souhaiterais transmettre : l’expression profonde des contradictions humaines, le travail méticuleux du langage poétique, la puissance des images et l’humour. 
Tout en remuant la matière, les hauteurs du beau et la fange putrescible, Baudelaire par une alchimie subtile, transcende le sordide en divin.

 

Thierry Duculty

 

 

« Tout enfant j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l’horreur de la vie et l’extase de la vie » 3

 

 

 

1 « Baudelaire poète comique » Alain Vaillant
2,3 « mon cœur mis à nu » C. Baudelaire